Quelques références et notes personnelles à propos du design, de son histoire et de son enseignement. Cet article ne prétend pas à l’exhaustivité.
Introduction
Étymologie
Design. Traduction en anglais du verbe français desseigner ou dessigner, formes qui ont donné naissance aux substantifs dessein et dessin, à l’origine simples variantes orthographiques – mais qui ont acquis un sens propre durant le XVIIIe siècle. D’où la difficulté de traduire design en français… Design a d’abord été traduit par « esthétique industrielle », ce qui ne lui a pas vraiment rendu service.
Définition
Le design est une activité qui n’a cessé d’être à la recherche d’une définition, d’une spécificité, d’une histoire, d’une reconnaissance et d’une légitimité – en partie afin qu’il puisse être enseigné et étudié. L’histoire du design est en grande partie liée à l’histoire de l’art et de l’architecture, du fait que les premiers designers étaient bien souvent des artistes ou des architectes.
Tentative de définition :
Design. Activité de création et de conception qui a pour but la définition des qualités formelles, fonctionnelles et de construction ou d’assemblage d’un objet, d’un système ou d’un produit en fonction d’un usage ou d’un service attendu, des matériaux, des contraintes de fabrication et des moyens de distribution – ou qui vise à la définition d’un nouvel usage ou d’un nouveau service ou à l’utilisation de nouveaux matériaux ou à l’amélioration ou à la mise au point d’un nouveau procédé de fabrication ou moyen de distribution. Substantif permettant de qualifier la conception et la réalisation d’un produit, d’un système ou d’un service.
Cette définition est un peu compliquée. Plus simplement, on peut dire sans trop se tromper que le design est une activité qui consiste à donner une forme à une idée et plus concrètement à une chose. D’où l’intérêt de maîtriser le dessin, qui est l’outil de conception et de formalisation qu’on utilisera principalement pour ceci.
Variantes ou spécialités : design industriel (industrial design) ou design de produit (product design), design d’espace (spatial design), design graphique (graphic design).
Forme et fonction
Le point de vue des architectes et des designers du courant fonctionnaliste est que la forme doit être la l’expression la plus simple de la fonction (la fonction crée la forme, ou la forme suit la fonction).
« Toutes les choses ont dans la nature une forme, un aspect extérieur, qui nous indique ce qu’elles sont, ce qui les distingue par rapport à nous et entre elles… Il semble que la vie et la forme soient un tout inséparable et que le sens de l’accomplissement soit dans cette correspondance mutuelle.
– Louis Sullivan, in The Tall Office Building Artistically Considered, 1896.
Qu’il s’agisse de l’aigle planant dans les airs ou du pommier en fleur, du cheval de trait qui peine ou du cygne alerte, de l’eau qui suit les méandres de la rivière ou du chêne ramifié, des nuages qui passent ou du mouvement du soleil, la forme suit toujours la fonction et telle est la loi. Pas de changement de forme sans changement de fonction.
La loi de tout ce qui est organique, ou inorganique, de toutes les choses physiques et métaphysiques, humaines et surhumaines, de toutes les manifestations effectives de la tête, du cœur et de l’âme, est que la vie est décelable par son expression, que la forme suit la fonction. Et telle est la loi. »
Quelques icônes
La chaise Thonet nº 14, le tabouret 60 (Alvar Aalto), la lampe Luxo, la guitare électrique Fender Telecaster…
La chaise Thonet nº 14
Michael Thonet, chaise nº 14, 1859.
Chaise « bistrot ». Aujourd’hui chaise 214.
Un objet (meuble) souvent cité comme étant « à l’origine du design ».
Caractéristiques :
- Réalisée en bois massif courbé.
- Assemblage par vis (plus robuste qu’un assemblage tenon-mortaise).
- Dimensions : H 84 × L 43 × P 52 cm. Hauteur d’assise : 46 cm.
- Composée de 6 pièces de bois, 10 vis et 2 écrous.
- Expédiée sous la forme d’éléments à monter, à raison de 36 chaises par m³.
Le tabouret 60 (Alvar Aalto)
Alvar Aalto, tabouret 60, 1933.
- Tabouret à trois pieds en bouleau multiplis.
- Assemblage par vis (comme pour la chaise de Thonet de 1859).
- Assise diamètre 38 × hauteur 44 cm.
Liens : Artek, Artek Stool 60 store.
La lampe Luxo
Lampe Luxo L‑1 de Jac Jacobsen (1937). Amélioration de la lampe Anglepoise 1227 de George Carwardine (1935).
La guitare électrique Fender Telecaster
Guitare électrique Fender Telecaster, 1951.
Industrie
L’histoire du design « industriel » commence avec la première révolution industrielle (exploitation du charbon, fabrication de la fonte et de l’acier à partir du minerai de fer, utilisation de la machine à vapeur, mécanisation des filatures et développement de l’industrie textile).
Architecture : utilisation de la fonte, de l’acier et du verre, préfabrication, standardisation des composants.
Iron Bridge (1779)
Le pont de Coalbrookdale (Iron Bridge), 1779. Thomas Farnolls Pritchard (architecte), Abraham Darby III (industriel).
Le Crystal Palace (1851)
Le Crystal Palace, Londres, 1851. Joseph Paxton (architecte et jardinier paysagiste). Première exposition universelle (Great Exhibition of the Works of Industry of all Nations), Londres, Hyde Park, du 1er mai au 15 octobre 1851.
Le métier Jacquard (1804)
Le métier à tisser Jacquard. Breveté par Joseph Marie Jacquard en 1804, sur la base d’inventions antérieures. La machine Jacquard combine les techniques des aiguilles de Basile Bouchon (1725), des cartes perforées de Jean Baptiste Falcon (1728) et du cylindre de Jacques Vaucanson (1740). La possibilité de programmation, par utilisation de cartes perforées, fait qu’il peut être considéré comme l’ancêtre de l’ordinateur ou du robot.
Mouvements
Réactions, mouvements, courants, styles, écoles, etc.
Arts and Crafts (1860)
Mouvement artistique réformateur dans les domaines de l’architecture, des arts décoratifs, de la peinture et de la sculpture, né au Royaume-Uni dans les années 1860 et qui se développe durant les années 1880 à 1910, à la fin de l’époque victorienne.
John Ruskin (1819-1900), écrivain, poète, peintre et critique d’art britannique. William Morris (1834-1896), fabricant, designer textile, imprimeur, écrivain, poète, conférencier, peintre, dessinateur et architecte britannique.
Art nouveau (1890)
Art nouveau ou Modern Style. Mouvement artistique (et style) de la fin du XIXe siècle et du début du XXe issu du mouvement Arts and Crafts.
Art nouveau (France), Jugendstil (Allemagne), Sezessionstil (Autriche), Nieuwe Kunst (Pays-Bas), Modernismo (Espagne), Liberty (Grande-Bretagne), Stile Liberty (Italie), Tiffany (États–Unis).
Belgique : Victor Horta (1861-1947), Henry Van de Velde (1863–1957).
France : Hector Guimard (1867-1942).
On peut considérer que le style « Art nouveau », apparu au début des années 1890, atteint son apogée en 1905. Quelques années avant la première Guerre mondiale, le style Art nouveau évolue vers un style plus géométrique, le style Art déco, qui sera le style dominant des années 1910 jusqu’aux années 1940.
L’École d’arts appliqués de Lethaby (1896)
William Lethaby (1857-1931). Architecte et historien de l’architecture anglais dont les idées ont exercé une grande influence sur le mouvement Arts and Crafts et le début du mouvement moderne en architecture, ainsi que dans les domaines de la conservation et de l’éducation artistique.
L’École d’arts appliqués de Lethaby (Central School of Art and Design), ouverte en 1896, était considérée comme la plus progressiste d’Europe. Lethaby avait rejoint le point de vue des fonctionnalistes et son enseignement exercera une influence sur Muthesius et le Deutscher Werkbund.
L’École de Chicago (1880)
L’École de Chicago (aussi appelé style Chicago ; en anglais : Chicago style, Chicago school) est une école ou un « style » d’architecture qui caractérise les immeubles construits à Chicago entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle. Apogée du style : entre 1880 et 1910.
Premiers immeubles :
- Le First Leiter Building, construit à Chicago en 1879 par William Le Baron Jenney, est le premier de ces immeubles sans mur porteur en façade, les planchers en bois reposant sur des colonnes de fonte. Immeuble démoli en 1972.
- Le Montauk Building, construit à Chicago en 1883 par Daniel Burnham et John Wellborn Root, est le premier grand immeuble commercial avec ses 130 pieds (39,62 mètres de hauteur) pour 10 étages. Considéré par certains comme le premier gratte-ciel. Immeuble démoli en 1902.
- Le Home Insurance Building, construit à Chicago en 1885 par William Le Baron Jenney, mesurait 42 mètres de haut. Il est souvent considéré comme étant le premier gratte-ciel. C’est aussi le premier immeuble où la façade est totalement dissociée de l’ossature. En 1891, deux étages supplémentaires ont été ajoutés au bâtiment, portant le nombre d’étages à douze et la hauteur totale de l’édifice à 180 pieds (55 mètres). Immeuble démoli en 1931.
Les premiers grands architectes l’École de chicago sont : William Le Baron Jenney (1832-1907), Henry Hobson Richardson (1838-1886), et pour la génération suivante : Daniel Burnham (1846-1912), John Wellborn Root (1850-1891), Louis Sullivan (1856-1924), William Holabird (1854-1923), Martin Roche (1855-1927) et Charles B. Atwood (1849-1895).
Louis Sullivan, Guaranty Building, anciennement Prudential Building, Buffalo (état de New York), 1896.
La Chicago School est apparentée à la Prairie School qui traite, elle, de l’architecture résidentielle, avec pour principales figures de proue Frank Lloyd Wright (1867-1959), ancien collaborateur de Louis Sullivan, et George W. Maher (1864-1926).
Charles Rennie Mackintosh (1898)
Charles Rennie Mackintosh (1868–1928). Architecte, principal représentant de l’École de Glasgow, un courant issu du mouvement Arts & Crafts.
Œuvres principales :
- Queen’s Cross Church (1898)
- Glasgow School of Art (1899, 1909)
- Hill House (1902-1904)
- Willow Tearooms (1903)
- Scotland Street School Museum (1903-1906)
Les cités-jardins d’Ebenezer Howard (1902)
Ebenezer Howard (1850-1928), urbaniste anglais.
En 1902, il publie Garden Cities of Tomorrow (Les cités-jardins de demain).
Cités-jardins :
- Letchworth Garden City (1903)
- Welwyn Garden City (1919)
En 1913, il est élu président de la Garden Cities and Town Planning Federation. En 1914, il est membre d’honneur du Town Planning Institute.
Futurisme (1910)
Futurisme (Futurismo). Mouvement littéraire et artistique européen du début du XXe siècle (de 1910 à 1920), qui rejette la tradition esthétique et exalte le monde moderne, en particulier la civilisation urbaine, les machines et la vitesse.
Filippo Tommaso Marinetti (1876–1944). Umberto Boccioni (1882-1916).
Antonio Sant’Elia (1888-1916) et Mario Chiattone (1891-1957), architectes. La Città Nuova, 1914.
Constructivisme (1919)
Voir : Constructivisme russe, Architecture constructiviste (1919-1932).
Voir aussi : Suprématisme, Kasimir Malevitch (1878-1935).
Vladimir Tatline (1885-1953). Projet pour un Monument à la Troisième Internationale, 1919.
Naum Gabo (1890-1977) et Antoine Pevsner (1884-1962), Le manifeste réaliste, 1920.
Les “Vkhoutemas”. Du russe : ВХУТЕМАС, acronyme de Высшие художественно-технические мастерские (« Ateliers supérieurs d’art et de technique »). Fusion, le 29 novembre 1920, de l’Académie d’art et d’industrie Stroganov à Moscou et de l’École de peinture, de sculpture et d’architecture de Moscou.
De Stijl (1917-1932)
De Stijl (en néerlandais : [də.’stɛil], « le style ») est un mouvement artistique néerlandais, fondé en 1917 à Leyde par Theo van Doesburg (1883-1931), qui publie d‘octobre 1917 à janvier 1932 une revue d’art, De Stijl, organe de diffusion des idées néoplasticiennes de Piet Mondrian (1872-1944) et des membres du groupe De Stijl.
Gerrit Rietveld (1888-1964). Chaise rouge et bleue, 1917.
J. J. P. Oud (1890-1963). Café de Unie, Rotterdam, 1925.
L’Esprit Nouveau (1920-1925)
L’Esprit nouveau. Revue d’esthétique (architecture, peinture, littérature…), fondée par Le Corbusier et Amédée Ozenfant en 1920. La revue est dirigée par Paul Dermée (1886-1951). Elle paraît jusqu’à la démission d’Ozenfant en 1925.
Contributeurs :
- Charles-Édouard Jeanneret, dit Le Corbusier (1887–1965), architecte, urbaniste, peintre, écrivain
- Fernand Léger (1881-1955), peintre
- Zdzisław Milner (1887-1965), essayiste, traducteur
- Amédée Ozenfant (1886-1966), peintre
- Pierre Winter (1891-1952), médecin
- Gaston Goor (1902-1977), assistant d’Ozenfant
Les débuts du design en Allemagne
Après l’Angleterre et la France, l’Allemagne est le troisième pays d’Europe à entrer dans l’ère de la « révolution industrielle ». C’est le premier pays a voir mis en place une véritable politique de design industriel, dans un environnement de plus en plus concurrentiel.
Hermann Muthesius
Hermann Muthesius (né le 20 avril 1861 à Großneuhausen près de Weimar et mort le 26 ou 29 octobre 1927 à Berlin) est un architecte allemand, également écrivain et diplomate – attaché culturel à l’ambassade d’Allemagne à Londres pendant plusieurs années –, qui fut l’un des promoteurs du mouvement Arts & Crafts britannique et un théoricien influent de l’architecture moderne.
En 1896 il est détaché par l’administration prussienne auprès de l’ambassade d’Allemagne à Londres, où il restera jusqu’en 1903.
En 1907, il fonde le Deutscher Werkbund à Munich.
Le Deutscher Werkbund (1907)
Le Deutscher Werkbund (« Union de l’œuvre allemande ») est une association d’artistes, d’architectes, d’entrepreneurs et d’artisans, fondée en 1907 à Munich par Hermann Muthesius, qui visait la promotion de l’innovation dans les arts appliqués et l’architecture.
AEG
AEG (Allgemeine Elektricitäts-Gesellschaft) est une « entreprise d’électricité générale » fondée en 1883 par Emil Rathenau. En 1907, AEG recrute l’architecte Peter Behrens (1868-1940) comme conseiller artistique, chargé de la conception esthétique des boîtiers, carters, carrosseries et emballages de toutes les gammes de produits de la marque, ainsi que des affiches de réclame et de l’architecture. Peter Behrens est considéré étant comme le premier designer a avoir été responsable d’une politique globale de design au sein d’une entreprise industrielle.
Le Bauhaus (1919-1933)
Walter Gropius (1883-1969), fondateur et directeur du Bauhaus de 1919 à 1928.
Bauhaus Weimar (1919-1925)
Les cours commencent le 1er octobre 1919.
En 1924, le gouvernement social-démocrate est battu aux élections du land de Thuringe. Les conservateurs qui réclamaient la fermeture du Bauhaus décident de diviser par deux la subvention au Bauhaus, puis de ne proposer que des contrats d’une durée de six mois. Dans ce contexte, le 26 décembre 1924, les maîtres du Bauhaus prononcent la dissolution du Bauhaus Weimar au 1er avril 1925.
Bauhaus Dessau (1925-1932)
Les cours reprennent à Dessau en mars 1925. Le nouveau bâtiment est inauguré les 4 et 5 décembre 1926.
Début 1928, Hannes Meyer (1889-1954) devient le deuxième directeur du Bauhaus. En 1930, il est remplacé par Ludwig Mies van der Rohe (1886-1969).
Le 22 août 1932, une résolution des nazis demandant la dissolution du Bauhaus est votée. Le Bauhaus Dessau ferme ses portes le 1er octobre 1932.
Bauhaus Berlin (1932-1933)
L’école s’installe à Berlin dans une ancienne usine de téléphone. Le 11 avril 1933, la Gestapo effectue une perquisition et procède à la mise sous scellés du Bauhaus.
L’École d’Ulm (1953-1968)
École d’Ulm (Hochschule für Gestaltung Ulm ou HfG Ulm). École de design fondée en 1953 par Otl Aicher (1922-1991) et Inge Scholl (1917-1998), figures de la résistance au nazisme, et Max Bill (1908-1994), ancien élève du Bauhaus. L’école ferme en 1968, après 15 années d’activité.
Le design aux États-Unis
Après la fermeture du Bauhaus en 1933, un grand nombre d’architectes, de designers et d’artistes va émigrer aux États-Unis. Parmi eux : Walter Gropius, Adolf Meyer, László Moholy-Nagy, Ludwig Mies van der Rohe, Josef Albers, Max Bill, Marcel Breuer, Herbert Bayer et de nombreux autres. Walter Gropius : nommé professeur à l’université Harvard, il forme une génération d’architectes en parallèle de sa carrière.
Le “New Bauhaus” à Chicago
Le New Bauhaus est une école de design fondée sous ce nom en 1937 à Chicago par László Moholy-Nagy, anciennement professeur au Bauhaus de 1923 à 1928. Aujourd’hui IIT Institute of Design (IIT : Illinois Institute of Technology).
Les designers aux États-Unis dans les années 1930
Contexte : Grande Dépression. La Grande Dépression (en anglais : Great Depression) ou « crise économique des années 1930 », dite encore « crise de 29 », est une longue phase de crise économique et de récession qui frappe l’économie mondiale à partir du krach boursier américain de 1929 jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.
Walter Dorwin Teague
Walter Dorwin Teague (1883-1960) est l’un des premiers designers industriels durant les années 1930 aux États-Unis avec Norman Bel Geddes, Raymond Loewy et Henry Dreyfuss. Il participe avec eux à l’Exposition universelle de New York en 1939-1940.
Norman Bel Geddes
Norman Bel Geddes (1893-1958) est un décorateur de théâtre et un des pionniers du design industriel aux États-Unis durant les années 1930.
Raymond Loewy
Raymond Loewy (1893–1986). Designer français naturalisé américain. Libéré de l’armée en août 1919, il part pour les États-Unis, à New York, où réside son frère médecin et où il espère être embauché par la General Electric. En 1929, il obtient le poste de directeur artistique de Westinghouse. Un an plus tard, il ouvre sa propre agence de design et obtient sa première commande en tant que designer industriel : moderniser la machine à dupliquer cyclostyle, inventée par David Gestetner.
C’est ainsi aux États-Unis que la profession de designer a été institutionnalisée, sous la forme d’un contrat de service entre un bureau de design ou un designer indépendant et une entreprise.
Pressentant le développement du design industriel en Europe où arrive la société de consommation à l’américaine, il fonde deux succursales, d’abord à Londres au milieu des années trente, puis à Paris en 1952. En France, il adopte la traduction en vigueur « esthétique industrielle », initiée en 1949 par Jacques Viénot, et baptise son agence « Compagnie de l’esthétique industrielle », dont il confie au départ la direction à un proche collaborateur, Harold Barnett.
Henry Dreyfuss
Henry Dreyfuss (1904-1972) est l’un des designers industriels des années 1930 et 1940. À l’opposé de Raymond Loewy et d’autres contemporains, Dreyfuss adopte une approche pragmatique, ergonomique et scientifique avant de développer l’aspect esthétique de ses créations.
Le design en France
Technès
38 boulevard Raspail
75007 Paris
Bureau de design créé en France en 1949 par Jacques Viénot et Jean Parthenay.
Jacques Viénot (1893–1959). Fondateur de Technès en 1949 avec Jean Parthenay.
Jean Parthenay (1919–1997). Cofondateur de Technès en 1949. Il a travaillé pour de nombreux industriels dont Calor et Poclain pour lequel il dessine la célèbre pelleteuse 90B. Il a enseigné le design à l’École nationale supérieure des arts appliqués et des métiers d’art rue Olivier de Serres à Paris.
La Compagnie de l’esthétique industrielle (CEI)
Bureau de design créé en France en 1952 par Raymond Loewy (1893–1986).
Roger Tallon
Roger Tallon (1929–2011). À l’automne 1953, il intègre Technès, le bureau d’études techniques et d’esthétique fondé en 1949 par Jacques Viénot et Jean Parthenay. Il devient directeur de Technès à la mort de Viénot en 1959. En 1973, il crée sa propre agence Design Programmes SA, 50 rue Castagnary, Paris 15e. En 1984, il rejoint l’agence ADSA + Partners créée par Pierre Paulin en 1975.
La revue CREE
Numéro 1 de la revue CREE, octobre 1969.
Le Centre de création industrielle (CCI)
Création du Centre de création industrielle (CCI) au sein de l’Union centrale des arts décoratifs (UCAD) par François Mathey. Secrétaire général : François Barré.
En 1972, le CCI rejoint le centre Pompidou, dont il devient l’un de ses départements le 1er juillet 1973.
En 1992, le CCI fusionne avec le musée national d’Art moderne (Mnam), pour ne plus former qu’un seul département : Le Mnam / CCI.
L’enseignement du design en France
Les écoles supérieures d’arts appliqués
À Paris :
- l’École Duperré
- l’École « Olivier de Serres »
- l’École Boulle
- l’École Estienne
L’École Duperré
École supérieure des arts appliqués Duperré
11 rue Dupetit-Thouars
75003 Paris
Mode, création textile, céramique, design d’environnement, design graphique.
L’École « Olivier de Serres »
École nationale supérieure des arts appliqués et des métiers d’art
63 rue Olivier de Serres
75015 Paris
Ouverte en 1969 pour réunir dans le même établissement l’École des arts appliqués à l’industrie (créée en 1922) et l’École des métiers d’arts (créée en 1941).
L’École Boulle
9-21 rue Pierre-Bourdan
75012 Paris
Créée en 1826. Métiers d’art, design, agencement.
L’École Estienne
École supérieure des arts et industries graphiques
18 boulevard Auguste-Blanqui
75013 Paris
Première promotion : novembre 1889. Le bâtiment actuel a été inauguré le 1er juillet 1896.
Le cours supérieur d’esthétique industrielle
En 1956, Jacques Viénot met en place le cours supérieur d’esthétique industrielle (qu’on appellera « cours Viénot ») à l’École des arts appliqués à l’industrie, rue Dupetit-Thouars à Paris. Cette formation sera transformée en BTS en 1960.
L’École nationale supérieure des arts décoratifs
Fondée en 1766 sous le nom d’École royale gratuite de dessin, ouverte officiellement en 1767, son but était de développer les métiers relatifs aux arts et d’accroître la qualité des produits de l’artisanat et de l’industrie. Après plusieurs changements d’appellation, l’école devient en 1877 l’École nationale des arts décoratifs puis, en 1925, l’École nationale supérieure des arts décoratifs (ENSAD).
En 1962, Jacques Adnet, directeur de l’école, fait appel à Roger Tallon pour mettre en place la première formation de design industriel (qu’on appelait encore à cette époque « esthétique industrielle ». En 1966, il fait appel à Jean Widmer pour mettre en place la communication visuelle dans le département des arts graphiques.
Les arts plastiques à l’université
Premières unités d’enseignement et de recherche (UER) en arts plastiques à Vincennes (janvier 1969) puis à Paris I Panthéon-Sorbonne (novembre 1969).
L’Institut de l’environnement
Création de l’Institut de l’environnement (urbanisme, architecture, design, communication). L’institut a existé du mois de novembre 1969 au mois de juillet 1971.
Immeuble commandé par André Malraux le 16 octobre 1968, construit 14-20 rue Érasme, Paris 5e. Architectes : Robert Joly, Jean Prouvé. Bâtiment récupéré par l’ENSAD en 1975 et détruit au début des années 1990.
Les écoles d’art en France
Les écoles d’art en France (dans les années 1970) : des écoles nationales supérieures (c’est-à-dire parisiennes), nationales (c’est-à-dire de province), régionales, municipales.
Des écoles nationales supérieures :
- L’École nationale supérieure des beaux-arts, 14 rue Bonaparte, 75006 Paris.
- L’École nationale supérieure des arts décoratifs, 31 rue d’Ulm, 75005 Paris.
Des écoles nationales :
- Dijon. Loi sur l’instruction publique du 11 floréal an X (1er mai 1802) faisant état en son article 25 d’une École des arts du dessin à Dijon.
- Bourges. Décret du 7 octobre 1881 portant création de l’École nationale des beaux-arts [et des arts appliqués à l’industrie] de Bourges.
- Limoges. Décret du 5 novembre 1881 portant organisation de l’École nationale d’art décoratif de Limoges.
- Aubusson. Décret du 30 octobre 1884 portant organisation de l’École nationale d’art décoratif d’Aubusson.
- Nice. Décret du 25 novembre 1886 portant réorganisation de l’École nationale d’art décoratif de Nice.
- Nancy. Loi du 1er juin 1946 portant nationalisation de l’École des beaux-arts et des arts appliqués de Nancy.
- Cergy-Pontoise. École nationale supérieure d’arts de Paris-Cergy, créée en 1975.
Réforme des enseignements artistiques
La réforme des enseignements artistiques dans les écoles d’art en France dans les années 1970 (1973-1975).
Novembre 1973
JORF nº 265 du mercredi 14 novembre 1973 :
- Décret no 73-1029 du 9 novembre 1973 portant création d’un conseil pédagogique dans les écoles nationales d’art.
- Décret no 73-1030 du 9 novembre 1973 portant organisation de l’enseignement des arts plastiques dans les écoles nationales d’art et les écoles régionales et municipales d’art habilitées par le ministre des Affaires culturelles.
L’enseignement des arts plastiques comprend : « des activités pédagogiques à finalités diverses ». Il est réparti en deux cycles : un cycle d’initiation et un cycle de spécialisation.
Septembre 1975
JORF nº 242 du vendredi 17 octobre 1975 :
- Décret no 75-946 du 25 septembre 1975 modifiant le décret no 73-1030 du 9 novembre 1973 et relatif à l’organisation de l’enseignement des arts plastiques dans les écoles nationales d’art et les écoles régionales et municipales d’art habilitées par le secrétaire d’État à la culture.
- Arrêté du 25 septembre 1975 fixant le régime des études dans les écoles nationales, régionales et municipales d’art habilitées par le secrétaire d’État à la culture.
Le cycle d’initiation comprend deux périodes : probatoire et post-probatoire. Le cycle de spécialisation comprend trois départements : art, communication visuelle et audiovisuelle et environnement.
Le département environnement a pour vocation de former « des plasticiens créateurs aptes à intervenir dans l’organisation de l’espace bâti ou naturel de l’homme et de son cadre de vie ».
En 1988 le département environnement deviendra finalement, de manière un peu plus explicite, l’option design du cycle de spécialisation (design d’espace / design de produit).
Novembre 1975
JORF nº 297 du lundi 22 et mardi 23 décembre 1975 :
- Arrêté du 3 novembre 1975 fixant la liste des écoles nationales d’art habilitées à dispenser en partie ou en totalité les enseignements du cycle d’initiation et du cycle de spécialisation.
Liste des écoles selon les enseignements dispensés :
- Art : Bourges, Dijon, Limoges, Nancy, Nice.
- Communication visuelle et audiovisuelle : Nancy (graphisme et illustration), Nice (audiovisuel et graphisme).
- Environnement : Bourges (design industriel), Nancy, Nice.
L’ENSCI – Les Ateliers
École nationale supérieure de création industrielle
Ouverture de l’école le 8 novembre 1982, annonce officielle de la création de l’école le 13 février 1983, inauguration le 17 mai 1983, création officielle le 26 octobre 1984, sous la forme d’un « établissement public à caractère industriel et commercial placé sous la tutelle du ministre chargé de la culture et du ministre chargé de l’industrie ».
Bibliographie
Revue Communications, Tous les numéros.
- Nº 4, Recherches sémiologiques, 1964. Avec « Éléments de sémiologie » de Roland Barthes.
- Nº 13, Les objets, 1969. Avec les articles de Jean Baudrillard, Abraham Moles.
Roland Barthes, Mythologies. Éditions du Seuil, 1957. [BnF]
Jean Baudrillard. Le système des objets. Gallimard, coll. Tel (nº 33), 1968. [BnF, Galimard]
Jocelyn de Noblet, avec la collaboration de Catherine Bressy. Design : introduction à l’histoire de l’évolution des formes industrielles de 1820 à aujourd’hui. Éditions Stock – Chêne, 1974. ISBN 2‑234‑00151‑X [BnF, Gallica, Place des libraires]
Victor Papanek. Design pour un monde réel : écologie humaine et changement social, traduction de Design for the real world: human ecology and social change. Dijon : les Presses du réel ; Vienne : Fondation Victor J. Papanek, 2021. ISBN 978‑2‑37896‑093‑3 EAN 9782378960933 [BnF]. Première édition : Mercure de France, 1974. [BnF].
Whole Earth Catalog, 1968‑1972. Le Catalogue des ressources, vol. 1‑3, 1975‑1977.
Tony Côme, L’Institut de l’environnement : une école décloisonnée. Éditions B42, 2017. ISBN 978‑2‑917855‑74‑4 EAN 9782917855744 [BnF]
Gilles de Bure. Le design fait école : l’École nationale supérieure de création industrielle. Gallimard, coll. Découvertes, 2007. ISBN 978‑2‑07‑033882‑5 EAN 9782070338825 [BnF]